Comment améliorer l’offre et l’accès aux soins à Courbevoie ?
copyright : Aymeric Gobert
La troisième édition du club du Courbevoie 3.0 s’est déroulée le jeudi 28 février 2013 au restaurant AFFINITHE de Courbevoie. Au menu de ce rendez-vous mensuel, créé par Arash Derambarsh, la santé et l’accès aux soins.
Avant d’échanger avec les différents intervenants, le président du club, Arash Derambarsh, remercie les invités de leurs présences. Et rappelle les enjeux de ce club : « Échanger sur des thèmes précis comme la santé ce soir. Le but est de créer une interactivité avec vous avec des intervenants de qualité ».
L’actualité est tout de suite abordée avec les récents faits divers survenus comme la mort d’un nourrisson par manque de places à Port-Royal ou cette femme enceinte décédée durant son transport à l’hôpital. Ces événements relancent le débat sur la qualité des soins en France et la question des « déserts médicaux ».
« En France, quand on évoque la santé, on veut tout de suite faire peur. Il faut arrêter avec cela, on nous matraque avec la viande de cheval, mais on ne parle pas de la grippe », analyse le médecin généraliste Thierry Calvo avant de poursuivre : « Il faut arrêter de faire peur aux gens, comme l’a prouvé l’épisode du vaccin contre la grippe H1N1 .Quant à cette question de désert médical, 50 km pour trouver un médecin ou un hôpital dans certaines régions, cela reste une distance raisonnable. »
C’est au tour de l’ex-ministre Marie-Anne Montchamp de prendre la parole et d’exprimer sa joie d’être présente à ce débat. « Il est facile de faire un consensus sur des questions de vie ou de mort. La vraie question est de savoir quels sont les besoins en santé des Français. On connaît un déficit de l’assurance-maladie important. » Et de signaler : « Notre population vieillit. Notre système doit faire face à un nouveau modèle car de nouvelles pathologies spécifiques vont se développer. C’est surtout, à mon avis, une question de bien vivre. Ce qui m’intéresse, c’est comment inverser le discours : poser les bonnes questions aux Français car cela coûte cher ! » . « Le temps de la maladie est un temps long, qui n’est pas limité à l’échange avec le médecin », ajoute la présidente de Doctissimo Valérie Brouchoud, avant d’expliquer le succès de ce site : « Les gens attendent une réponse sur le mieux vivre. En France, nous avons des associations de patients qui connaissent et aident davantage le malade que le médecin. Le patient va donc s’inscrire dans un parcours plus global que la simple relation avec son médecin. »
Sur la notion de « désert médical », Marie-Anne Montchamp se veut prudente : « C’est une fiction, cela dépend de l’urgence, il ne faut pas mettre ces idées dans la tête des Français ». Elle cite l’exemple de maternités de proximité de mauvaise qualité avant de reprendre : « Ça n’est pas facile quand on est politique. Nous devons dire la vérité aux Français, mais il faut qu’ils expriment leurs attentes. » Elle milite pour de vrais services de proximité, notamment dans le domaine de la psychiatrie.
Ces tragiques événements sont-ils évoqués sur Doctissimo par exemple ? « Les problèmes médiatiques ne sont pas abordés, répond Valérie Brochaud. Les gens parlent essentiellement de leurs problèmes. »
C’est au tour de Céline Touati de prendre la parole pour parler de son métier de naturopathe. « Nous sommes non conventionnés. La naturopathie est une médecine de prévention : il n y a pas de notions d’urgences ; pour cela, on se tourne vers la médecine conventionnelle. Je travaille en alliance avec les médecins. Les gens viennent me voir en complément pour divers problèmes comme le diabète ou le cancer. »
Thierry Calvo tient à souligner que « la France possède la meilleure médecine au monde et le meilleur accès aux soins. C’est totalement différent aux Etats-Unis, c’est une médecine plus business ». Et il rappelle le rôle du politique : « Pourquoi n’explique-t-on pas aux Français comment fonctionne la sécurité sociale ? Ils cotisent pour cela, pour que chacun puisse y aller quand il le souhaite. »
Ce qui pousse Marie-Anne Montchamp à réagir : « Il y a une évolution de la santé. Ce qu’on a connu avant peut être bouleversé. La vérité est que notre système est généreux : ça créer un déséquilibre des comptes, on oublie que les besoins évoluent. La population vieillit, et il faut sortir de l’urgence. Il faut suggérer un dialogue et un parcours de soins adapté aux patients. En France, nous avons chaque année 2 millions d’hospitalisations qui ne servent à rien. Ce sont beaucoup de personnes âgées, qui sont dans l’isolement, et il n’y a pas d’accompagnement. Il faut une réponse sociale et sanitaire adaptée. »
Sortir de l’urgence et accorder plus de place à la prévention. C’est en quelque sorte le rôle de Doctissimo, comme le précise sa présidente : « Nous sommes un média, on parle aux Français, nous avons une partie éditoriale. La médecine, ça n’est pas que des soins. Nous accordons une grande part à la prévention. »
Céline Touati regrette le peu de temps accordé aux patients durant les consultations : « 12 minutes, ce n’est pas assez ! Chez nous, ça dure 1h30. Les médecins nous envoient leurs patients pour parler car ils ne peuvent plus le faire. » Thierry Calvo rétorque : « Hélas, on ne peut pas tout faire ! Je rappelle que l’accès aux soins est libre et qu’on peut très bien aller voir trois généralistes différents ! »
« C’est quoi le bien-vivre ? Et pourquoi ne valorise-t-on pas assez le sport en France, qui est un élément moteur de la santé ? » questionne Arash Derambarsh. « L’important est d’avoir une bonne alimentation et une activité physique régulière », répond Céline Touati.
Thiery Calvo soulève un problème, celui dela CMU : « Certaines personnes s’en trouvent privées dès lors qu’elles gagnent un tout petit plus que le minimum requis. » Ce médecin généraliste préconise de revoir l’AME (aide médicale d’État) pour élargir le droit à la CMU et éviter ainsi de laisser certains Français sans soins. « L’Aide médicale d’Etat, est accordée aux personnes en situation irrégulière, qui ont accès à 100 % des soins », répond l’ancienne ministre. Et de préciser le rôle de cette aide : « De nombreux problèmes existent dans les flux migratoires. La France a donc décidé d’aider ces populations. J’ajoute que c’est une ligne budgétaire de l’Etat, avec environ 650 millions d’euros. »
Faut-il supprimer ou alléger cette aide, comme le suggère Thierry Calvo ? Marie-Anne Montchamp se veut prudente : « On ne peut faire de la tuyauterie budgétaire comme ça. C’est un long débat au sein de mon parti, où je suis pas mal isolée. Il faut bien comprendre à qui cette aide s’adresse. Ce sont des gens dans le besoin, et c’est dans la tradition républicaine de la France de leur venir en aide. » Mais ellemet en garde sur le fait que cette aide ne doit pas servir à financer des réseaux de travail clandestin, qui profitent de la détresse de ces personnes.
« Nous sommes dans un système discontinu »
Marie-Anne Montchamp soulève un autre problème : « Nous rencontrons un déséquilibre de l’accès aux soins. Nous sommes dans un système discontinu. Notre population vieillit, bientôt nous aurons plus d’inactifs que d’actifs, cela va créer un trou… Si vous ajoutez le chômage, ça fait un déséquilibre ». Valérie Brouchoud précise que ce n’est pas en supprimant l’AME que l’on comblera le trou de la Sécurité sociale.
Le débat se poursuit. Arash Derambarsh revient sur cette question du bien-être et demande à ses interlocuteurs comment se sentir en bonne santé. « Il faut simplement faire attention à ce que l’on mange », rétorqueCéline Touati. Le président du club en profite pour mettre en avant le rôle de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et la fameuse devise : manger cinq fruits et légumes par jour.
Pour Céline Touati, « tout cela est beaucoup trop global. On a tendance à penser que tout le monde a besoin de la même chose. Or, c’est individuel, nous avons des besoins différents ». Cette naturopathe intervient dans les écoles de Courbevoie pour sensibiliser les enfants sur le bien-manger.
Dans l’auditoire, des membres de « Médecin direct » sont cités en exemple. Ils ont mis en place une plateforme médicale de conseils, de consultations et un service de chat en ligne qui permet de consulter, dialoguer en direct et poser des questions à un médecin inscrit ou à des spécialistes.
Thierry Calvo rappelle l’importance d’un site comme Doctissimo, car, pour ce praticien, il n’est pas toujours facile d’expliquer tout le processus d’une pathologie à un patient, surtout quand le temps manque : « Je suis content que Doctisismo existe, cela permet aux malades de mieux comprendre leur pathologie sans obligatoirement passer par nous ».
Dans la salle, Jean-Luc Plavis prend la parole. Ce chargé de mission du Collectif interassociatif sur la santé en Ile-de-France (CISS IDF), atteint de la maladie de Crohnraconte son expérience: « Ca a été pour moi un vrai parcours du combattant,car tout n’est pas abordé à l’hôpital. Quand j’ai quitté l’hôpital, de nombreux médecins ne connaissaient pas ma maladie, et c’est moi qui en faisais le constat ! » Et de reparler de sa ville : « À Suresnes, pour un quartier de 7 000 habitants, nous n’avons qu’un seul médecin ! » Face à ce constat, il a décidé avec d’autres patients de mettre en place à Suresnes une maison de santé, dont l’ouverture est prévue en 2014 : « Ce sera un lieu de rencontres, d’écoute et de conseils. Nous aborderons aussi la question du droit des patients. Une manière de penser la santé », explique-t-il.
Les Courbevoisiens présents ont ensuite pu poser leurs questions aux différents invités. « Que pensez-vous de l’apport d’internet dans la prévention ? », questionne Aymeric Gobert, photographe et salarié de l’industrie pharmaceutique. « Internet est un élément incontournable de nos jours, et c’est tant mieux », répond le docteur Thierry Calvo. Valérie Brouchoud en profite pour signaler l’importance du médecin traitant : « Il est le chef d’orchestre, celui qui doit orienter et guider le patient ».
« Le bon médecin est celui qui parle complètement à son patient », ajoute Marie-Anne Montchamp, avant de poursuivre : « Tout seul, on ne peut pas guérir ; à deux, c’est mieux ! » Une habitante prend à son tour la parole pour dresser un constat : « 50 kms, cela peut être énorme pour certaines personnes âgées. Il y a une forte disproportion selon les régions. Sans compter que les gens ont de moins en moins de mutuelles. Cela devient difficile de se faire soigner, même en ville, surtout avec les dépassements d’honoraires ! »
Apporter des alternatives
Sur ce constat alarmiste l’ancienne ministre se veut pragmatique : « Nous avons des besoins nouveaux en matière de santé, il faut refondre notre système et apporter des alternatives. Si on se tourne toujours vers la Sécurité sociale, on ne pourra bientôt plus y répondre »
Thierry Calvo explique que, sur 12 minutes de consultations, 8 sont consacrées au « social ». Il suggère, pour combler le défit de praticiens dans certaines zones, « une exonération de leurs charges ». Mais « comment financer cela ? », lui répond Marie-Anne Montchamp.
Un autre habitant demande ce que pensent les intervenants du Dossier médical personnalisé (DMP). Le praticien répond qu’il faut « arrêter cette hémorragie financière. La carte Vitale a coûté suffisamment cher, et cela a entraîné une augmentation des soins. Quand il s’agit de lourdes pathologies, si j’ai besoin d’un compte-rendu, mon patient l’a… » De plus, cela pose clairement un problème de confidentialité. En revanche, « pourquoi pas en ce qui concerne les questions de grossesse ? », réagit Marie-Anne Montchamp.
Une personne dans la salle (Bruno Azria) suggère que l’on installe des médecins étrangers dans ces zones pour combler le manque. Si l’idée peut paraître intéressante, Marie Anne Montchamprappelle que « c’est un sujet sensible, car nous avons une obligation de résultats et d’exigences. Ces flux peuvent apporter une réponse mais c’est à tous les étages qu’il faut poser la question : cela concerne également tout le personnel soignant. »
« N’oublions que ces personnes viennent surtout ici pour se former », ajoute Thierry Calvo. Et de mettre en garde : »Si on impose aux médecins de s’installer dans certaines zones, ils risquent de partir travailler à l’étranger ! »
C’est Marie-Anne Montchamp qui conclut les débats en lançant des pistes à explorer : « Notre système doit bouger, les Français aspirent à être en bonne santé. Il faut donc renforcer l’accès à l’information, au partage des données. La simple confrontation ne suffit plus. Le patient a besoin de parler, de définir son parcours de soins. Nous avons entrepris ce soir une autre approche de la santé, nous pouvons aller vers une médecine plus humaine. »
Le président du club remercie le public, venu encore en nombre pour ce débat, et en profite saluer la présence de Jean-Philippe Blanc qui, suite à un accident, s’est retrouvé dans le coma puis a rédigé un livre où il raconte son parcours (« Revivre à tout prix »).
Remerciement à Jérémy Kreins et Affinithé.
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