Charlie Bauer, l’ex-compagnon de route de Jacques Mesrine, «l’ennemi public n°1», est décédé, dimanche soir d’une crise cardiaque.
Photo : Vincent Capman
La première fois que je l’ai rencontré, j’ai eu peur. Un homme charismatique, imposant et peu bavard. J’étais aux éditions du cherche midi, avec Roland Courbis d’ailleurs. Je les ai présenté. Il m’avait donné son numéro de téléphone et nous avons eu plusieurs conversations. Je n’ai pas beaucoup partagé ses combats mais je respecte l’homme. Un homme de conviction, cultivé, intelligent et perdu dans ce monde qu’il aimait de moins en moins.
Nous avons publié son dernier ouvrage aux éditions du cherche midi : « Le redresseur de clous«
«Je suis un révolutionnaire et un écrivant», clamait-il.
«Il a rendu l’âme chez lui, terrassé par une crise cardiaque, les pompiers ont tenté de le réanimer sans succès pendant 45 minutes», a déclaré le cinéaste Fred Nicolas, qui a signé en 2008 un documentaire sur ce Robin des Bois, défenseur acharné des droits des prisonniers.
Militant d’extrême gauche, détenu intraitable, Charlie Bauer s’est éteint à son domicile de Montargis, dans le Loiret. Il avait 68 ans et venait d’être grand-père.
Eternel révolté, ce chevelu fort en gueule a passé 25 ans de sa vie en détention, dont neuf dans les quartiers de haute sécurité de la Santé, où il s’est lié d’amitié avec Mesrine, «le Grand Jacques», comme il l’appelait.
Né en 1943 dans le quartier de l’Estaque à Marseille, fils de résistants juifs, le gamin adhère à «8 piges» aux Jeunesses Communistes avec «l’uniforme, le tambour, la soldatesque et tout ça». Ado, pilleur de boutiques de luxe pour distribuer le butin dans les quartiers populaires, il se brouille avec le PCF lors de la guerre d’Algérie, déserte l’appel sous les drapeaux, rejoint le FLN, tente de gêner les actions de l’armée française.Arrêté, il écope de 20 ans de taule et devient activiste, avalant des lames de rasoir pour aller à l’infirmerie et tenter de s’évader. Il refuse les remises de peines, ces «carottes qui transforment le prisonnier en son propre maton», explique-il dans un entretien à Télérama en 2005.
La suite, c’est la dérive vers le grand banditisme.
Cavales, incarcérations. Il subit l’isolement des QHS, connaît la folie. Enfermé à Paris, à Marseille, puis à Lisieux, il rencontre Renée, professeur de philosophie qui devient sa femme. Encouragée par sa moitié, il passe une licence de philo, une licence de sociologie et un doctorat d’anthropologie sociale, qui lui permettent d’enseigner le «marxisme».
Style brut, mots durs, cœur écorché vif, le viking dévore les livres mais milite pour l’accès à la télévision dans les cellules.
Libéré, en 1988, il rédige le best-sellers « Fractures d’une Vie » (éditions Agone), témoignage rageur de son expérience.
«Qu’est-il de plus important, être ou avoir? Chacun, de tout temps, essaie de concilier ces deux modes d’existence et de les conjuguer comme il peut». Ses défauts, Ses erreurs, Ses imperfections, il a appris à les aimer.Auteur de nombreux autres ouvrages, Charlie Bauer avait aussi été conseiller technique pour le film «Mesrine» du réalisateur Jean-François Richet, où son propre rôle était tenu par Gérard Lanvin. Mais pas question pour Charlie de jouer la comédie. «J’ai toujours refusé. Ma tête, je la vois tous les matins dans ma glace, pas besoin de me faire du cinéma», disait-il, cité par La Provence.
Pour lui, humaniste en colère, le combat devait être réel.
A bientôt Charlie…
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