En déplacement à Montpellier, Arash Derambarsh, conseiller municipal « Les Républicains » à Courbevoie et initiateur de la loi contre le gaspillage alimentaire, nous a accordé un longue interview de 10 questions et de 10 réponses, sans tabous. Entretien…
1.Arash Derambarsh, vous êtes ce week-end à Montpellier en vacances ?
« Dès que mon emploi du temps le permet, je pars à la rencontre de nos compatriotes pour les sensibiliser au combat que nous menons, depuis des mois, contre le gaspillage alimentaire. Cet été, je poursuis les rencontres auprès d’associations et des bénévoles. Je rends également visite aux différents supermarchés afin de voir si la loi contre le gaspillage alimentaire s’applique convenablement.
2. Justement, que retenez-vous de cette bataille que vous avez remportée en France ?
C’est un combat qui a exigé de la ténacité et de la fermeté face aux lobbyistes. Nous avons tenu bon malgré tout. Je retiens le soutien et la fraternité des Français, toujours présents pour s’engager et s’investir pour les autres. Des initiatives locales ont émergé et c’est tant mieux ! C’est l’une des lois les plus rapidement votées sous la 5ème République, car nous avons mis une pression constante, en synergie, avec une pression populaire massive et bien évidemment censée, de toutes et tous : c’est une victoire du « 2.0 », car sans l’aide et le soutien des milliers de personnes qui ont signé notre pétition en ligne sur internet, nous n’aurions pu sensibiliser le législateur. Aujourd’hui, depuis la loi historique votée le 3 février contre le gaspillage alimentaire, plus de 300 associations ont déjà bénéficié des invendus alimentaires. Ça va continuer et s’intensifier, nous ne pouvons que nous en réjouir !
3. Vous avez été attaqué par quelques associations, par Yann Moix, les Inrocks et Liberation. Pourquoi, selon vous ?
Parce que s’attaquer à ce qui perdure et ce qui est figé, dérange et interroge, vraisemblablement…
J’ai suscité quelques attaques contre ma personne en raison d’un combat au nom de la fraternité. Je ne conçois pas mon rôle d’élu à seulement inaugurer, applaudir ou à critiquer. Pour moi, il faut agir. Tant pis, si cela bouscule.
Je rappelle que des gens qui avaient faim, en France en 2014, encore, étaient contraints à fouiller de la nourriture dans des poubelles. Et souvent même, ces démunis étaient traînés devant les tribunaux pour vol, comme on a pu le voir dans l’Hérault. C’était une double peine inacceptable pour nous, il fallait agir. Et attendre un quelconque rapport pour savoir si « jeter de la nourriture dans une poubelle » relevait du bon sens ou pas…
À ceux qui critiquent comme Lea Salame et qui ont refusé de signer notre pétition, qu’ils aillent plutôt critiquer ceux qui ont mis les français dans cette situation ! C’est évidemment plus facile de critiquer derrière son fauteuil et de faire la morale, ce qui semble malheureusement trop souvent un sport national… Je ne suis que conseiller municipal. Je ne touche ni indemnités, ni avantages. Même les droits de mon livre « Manifeste contre le gaspillage », publié chez Fayard et récompensé du prix Edgar Faure du meilleur livre politique de l’année 2015,ont été reversés à la Croix Rouge française.
Au fond, les attaques sont très minoritaires. J’ai reçu infiniment plus de soutiens, dont celui de l’Elysée et ceux de nombreux élus, de nombreuses associations comme la Croix Rouge française ou Action contre la faim. Laurent Solly et ses équipes de Facebook France nous ont également beaucoup aidé pour notre pétition européenne. Ils ont été formidables. Twitter a également été d’une grande utilité et j’espère que Damien Viel et ses équipes pourront nous aider afin d’amplifier entre notre message et notre mobilisation contre le gaspillage alimentaire.
Je rappelle que notre pétition européenne sur le site Change.org touche bientôt les 800.000 signatures et que nous devons atteindre 1 million de signatures. L’objectif reste la loi et l’application de la loi afin d’aider ceux qui ont faim. Nous ne voulons plus voir de la nourriture consommable jetée dans les poubelles. Seul le résultat compte. Comme dit le proverbe, « la caravane passe et les chiens aboient »…
4. Mais vous avez déposé des plaintes pour diffamation, pourquoi ?
Oui, j’ai en effet déposé des plaintes pour diffamation, mais uniquement dans les cas plus graves. Notamment contre Yann Moix, chroniqueur de l’émission « On n’est pas couché » animée par Laurent Ruquier sur France 2, Et contre le journal Liberation qui s’est permis de titrer abusivement une enquête malveillante et bidonnée de Marie Turcan et François-Luc Doyez dans les Inrocks. Ils sont allés carrément faire témoigner en anonyme des supposés anciens camarades de classe avec qui j’étais en 4e au collège, ce qui reste une pure manipulation.
Ils ont aussi demandé à des connaissances de témoigner contre moi anonymement. Pire, les personnes citées, avec l’accord de leur responsable (David Doucet et Pierre Siankowski), sont allés m’espionner dans mes comptes Linkedin et Facebook afin d’obtenir des informations à charge contre moi. Au final, tous les témoignages en ma faveur dans cette « pseudo enquête » ont été écartés.
Je pourrais encore citer de nombreuses manipulations et autres mensonges dans cette enquête malveillante et grotesque : ce sont des méthodes indignes qui ne visaient qu’un seul but : me salir. J’accepte toutes les critiques, bien évidemment, et je me remets tous les jours en question. Mais les propos qui ont été tenus sont inadmissibles et dépassent le cadre légal de la liberté d’expression. Les procédures sont en cours et les dossiers sont confiés à mon avocate, Maitre Ingrid Tordjman.
5. Par votre travail considérable, vous avez prouvé qu’un simple conseiller municipal peut faire bouger les lignes, comment avez-vous vécu cette expérience et comment en ressortez-vous ?
J’ai une vision quasi romanesque de mon mandat. Et c’est une grande fierté. Je sais la chance que j’ai d’être élu de la République et je m’évertue à honorer mon mandat. J’ai été élu en mars 2014 avec la conviction et le désir d’améliorer le quotidien de mes administrés. Je ne suis ni ministre, ni député et l’avancée politique de la prise de conscience anti-gaspi montre que l’on peut porter une parole forte et faire avancer le débat en étant un simple conseiller municipal investi sur une importante question nationale et internationale. L’autre enseignement important, encore une fois, c’est qu’Internet apporte aussi beaucoup à la démocratie du 21e siècle en permettant un rapprochement des citoyens et de leurs élus. J’essaie justement de répondre à toutes les questions et sollicitations dans ma ville de Courbevoie via les réseaux sociaux et toujours dans l’objectif de rassembler : notre action doit nous réunir et non pas nous diviser.
6. Justement, vous en êtes où à Courbevoie ?
Je suis très attaché à cette ville où j’ai grandi. J’ai été scolarisé à l’école primaire André Malraux, au collège Georges Pompidou et au lycée Paul Lapie. Après avoir été élu à 34 ans, j’ai d’abord voulu pacifier mes relations avec le maire de Courbevoie Jacques Kossowski. Je ne suis pas d’accord sur tout, mais il a été élu et je respecte le suffrage universel direct. J’ai dès lors voté toutes ses propositions au conseil municipal pour soutenir ses actions au nom de l’intérêt général. Il m’a aussi soutenu pour la loi contre le gaspillage. Je pense qu’il y a du respect entre nous.
Par ailleurs, je suis chaque jour au contact des citoyens pour répondre à leurs attentes et les accompagner. Je m’investis dans de nombreuses actions et activités. Comme par exemple en tant que dirigeant et membre du comité directeur de notre club de football. Plus de 1000 licenciés avec une section féminine et plus de 600 enfants ! Notre équipe senior est en niveau ligue PH. L’objectif est de monter rapidement !
7. Et dans votre vie personnelle ?
J’ai soutenu ma thèse de droit en décembre 2015. Je suis devenu Docteur en droit après 9 redoublements, c’est peu dire que ce fut un vrai soulagement ! (rires). C’était un rêve de gosse de devenir avocat, je n’ai jamais rien lâché et ne lâcherai jamais rien : je me suis inscrit à l’école d’avocat, l’EFB. Actuellement élève – avocat et éditeur au Cherche Midi, je suis très heureux et épanoui !
8. On vous a vu très dynamique durant l’euro de football. Vous aimez ce sport ?
Oui ! C’est un sport que je pratique depuis mes toutes jeunes années. J’ai eu la chance d’assister à plusieurs matchs dans de sublimes stades comme le Vélodrome à Marseille ou le stade des Lumières à Lyon-Décines-Charpieu. Ce sport rassemble et unit avec ferveur. J’étais évidemment un supporter de la première heure des Bleus. La défaite en finale restera une grande désillusion, mais j’étais heureux pour le Portugal. Enfin, j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir les supporters de l’Irlande, du Pays de Galles et de l’Islande. Mais au-delà du football, je suis un amoureux du sport en général. Je vibre beaucoup en ce moment pour les jeux olympiques de Rio pour les médailles d’or d’Émilie Andeol (Judo +78kg), de Teddy Riner (Judo +100kg) ou encore de Pierre Houin et Jeremie Azou en aviron. La France est fière de ses athlètes. Même si on a encore trop souvent un problème mental avec la victoire, un complexe avec la gagne, il faut que nous arrivions à changer aussi cela complètement en France.
9. Quels sont vos prochains projets ?
Être utile. Je vais concrétiser beaucoup d’actions pour les habitants de Courbevoie en matière d’emploi, de sport, de culture et d’éducation notamment. Le 7 septembre par exemple, nous proposons une distribution gratuite de 500 cartables et fournitures scolaires à destination des enfants de notre ville. Je remercie infiniment à ce titre Thierry Jadot de Dentsu Aegis et Ali Reza Gorzin des Ailes de BFG Capital pour leur soutien généreux à cette opération qui nous semble essentielle. Sinon, je prépare également un prochain livre sur la malnutrition. Ça sera un pavé lancé dans la mare avec beaucoup de révélations sur cette problématique, mais aussi des éléments de réponses. Ce système de l’agro-alimentaire doit être remis à plat.
10. Concernant le gaspillage alimentaire, allez-vous continuer ?
Oui, plus que jamais, après tout ce que nous avons pu accomplir tous ensemble, c’est pourquoi je poursuis notamment mon tour de France à la rencontre des lycéens, des étudiants, des jeunes et des moins jeunes, pour expliquer la mise en place de la loi, parce que le gaspillage alimentaire doit être le combat de chacun de nous.
Aujourd’hui, il s’agit d’en appeler à la Commission européenne et à son président, Jean-Claude Juncker, pour que l’amendement voté le 9 juillet 2015 dans le cadre de la directive « économie circulaire » au Parlement européen, puisse être enfin appliqué dans l’UE. Je ferai d’ailleurs prochainement de nombreux déplacements pour rencontrer différents chefs d’Etat et élus de l’UE afin de les convaincre de voter cette loi.
Ce combat dépasse aussi les frontières de l’UE. Je dois me rendre prochainement à la FAO, à Rome, pour présenter ce projet à son directeur général Brésilien José Graziano da Silva. Le soutien de la FAO et des Nations Unies pour cette loi est fondamental ! De plus, je serai à Los Angeles (USA) début décembre. Je suis invité à la conférence internationale TEDX pour y faire une conférence sur le « Food Waste ». L’objectif est d’éveiller les consciences de façon globale. Encore une fois, nous ne voulons plus voir de la nourriture consommable jetée dans les poubelles alors qu’il y a tant d’humains qui ont faim. Le bon sens doit l’emporter. Au dépend des lobbies. Et nous continuerons à nous y employer comme nous l’avons généreusement fait tous ensemble jusqu’ici, sur le terrain comme en mode 2.0, pour un monde meilleur ! »